« Selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements de cour vous rendront blanc ou noir »

, par Dominique Bonadei

d’après Jean de la Fontaine « Les Animaux malades de la peste » (1621 - 1695)

Le Président de la République a annoncé la suppression du juge d’instruction. Cette annonce suit la réforme de la carte judiciaire qui gêne beaucoup de salariés, en général les plus pauvres, dans l’accès au droit.

Avec la désignation du Président de France télévision par le Président de République, tout cela correspond à une volonté de concentration des pouvoirs. Nous sommes, le plus souvent, absorbés sur nos revendications de salariés et nous sentons, éventuellement, peu concernés par ce genre de décision.

En réalité, avec, par ailleurs la destruction des services publics en tant que garants de l’égalité de droits des citoyens au travers de la RGPP, c’est la République qu’on détricote et tant le maintien de nos droits que la satisfaction de nos revendications supposent que la République continue d’exister.

Dans l’état actuel, le juge d’instruction dirige les services de police, il est indépendant du pouvoir et instruit son dossier « à charge et à décharge ».

Dans le cadre de la réforme, l’enquête dans une affaire pénale serait menée sous l’autorité du parquet (Procureur de République), lui-même soumis hiérarchiquement au garde des sceaux, ministre de la justice. Le pouvoir aurait donc la possibilité d’influer sur les enquêtes, de mettre certaines sous le boisseau ou d’en faire sortir d’autres.

Par ailleurs, le parquet interviendrait dans une procédure qui ne serait plus inquisitoire comme la procédure française depuis la révolution mais accusatoire comme la procédure anglo-saxonne (Angleterre et États-Unis). Le parquet instruirait donc seulement à charge, cherchant tous les éléments de nature à prouver la culpabilité du suspect et écartant ceux qui iraient dans le sens contraire. L’équilibre serait recherché par un plus grand rôle de l’avocat du suspect qui présenterait les éléments à décharge.

Dans ces conditions, celui qui pourrait se payer le meilleur avocat, susceptible lui-même d’appointer des enquêteurs privés, serait, devant la justice en situation bien meilleure que celui qui ne pourrait régler qu’un avocat moins performant ou avec des moyens moindres ou bénéficierait de l’aide juridictionnelle.

Est-ce un hasard si dans les pays qui pratiquent déjà cette procédure, notamment les États-Unis, on trouve en prison plus de noirs pauvres que de blancs riches ?

Dans le même temps, la justice est de plus en plus rendue, dans le cadre des lois successives de Sarkozy dites contre la délinquance au nom des victimes et non de la société. C’est donc une justice vengeresse qui ne recherche pas la réinsertion des individus.

Demain, lorsque vous serez pauvres, éventuellement immigrés, et que vous serez, d’une manière ou d’une autre, proche d’un délit ou d’un crime, même en toute innocence, les probabilités de vous retrouver en prison risquent d’être très importantes.

Dominique BONADEI

Secrétaire Général

Janvier 2009