Projet de réforme "Formation Professionnelle" analyse et propositions

, par Dominique Bonadei

Des constats non partagés…

Les différents rapports, s’ils sont utiles et nécessaires, ne sont pas le fruit d’un consensus qui ne se décrète pas. Ils peuvent (doivent) susciter critiques, observations, interrogations. Ils nourrissent ce débat nécessaire sur le rôle et la place de la formation professionnelle continue en Guyane.

… qui participent à la réflexion d’ensemble

L’Union Départementale Force Ouvrière s’inscrit dans cette démarche en livrant son analyse. Elle souhaite que l’ensemble des points de vue soit pris en compte : c’est par la confrontation des opinions divergentes et respectables de tous que nous pourrons avancer dans la construction d’un système encore plus dynamique au service des salariés.

De la légitimité des différents acteurs

La création de notre système de formation professionnelle s’est faite au travers d’une construction historique, politique et sociale. Elle s’est traduite par la construction de dispositifs où les différents acteurs ont été créateurs de normes juridiques s’appliquant à des populations diverses.

  • Partenaires sociaux, État et région ont chacun un rôle complémentaire à jouer sur le terrain de la formation professionnelle :
    • l’Etat en tant qu’ordonnateur de la politique publique de l’emploi,
    • la région, sur les publics demandeurs d’emploi ou fragilisés sur le marché du travail,
    • le département en charge de l’insertion,
    • les partenaires sociaux en charge de gérer la formation des salariés en emploi.

La finalité de la formation professionnelle continue ou la recherche d’un grand dessein

Avant de se poser les questions de gouvernance, de dispositifs, il apparaît nécessaire et indispensable de repenser la formation professionnelle continue dans ses finalités premières et fondamentales.

  • La formation professionnelle ne se limite pas à la reconnaissance professionnelle mais représente un outil précieux de promotion sociale et de diffusion de la connaissance, elle a pour objectif de généraliser l’accès au savoir.
  • Dans sa définition plus « opérationnelle », la formation professionnelle ne se limite pas à la gestion des ruptures, elle est omniprésente à toutes les étapes du parcours sur le marché du travail : l’entrée, l’évolution et le retour en emploi…
  • Chaque acteur l’associe à sa problématique propre : l’employeur à la recherche d’une meilleure compétitivité. Le salarié et les syndicats comme outil de promotion sociale. La puissance publique, dans un sens large, comme outil d’intégration sociale et de citoyenneté, voire d’aménagement du territoire.

Le système de la formation professionnelle continue au confluent d’autres systèmes

Pour l’UD-FO, la formation professionnelle continue n’est pas un système autonome qui s’auto reproduit et se suffit à lui-même. Elle s’intègre dans un environnement social, culturel et politique qui détermine également ses règles de fonctionnement et sa capacité à bien former les salariés.

Éducation et formation professionnelle

Environ 1500 jeunes sortent, chaque année, du système scolaire sans aucun bagage. Nous savons que la formation initiale et le milieu social d’origine participent à la réussite ou à l’échec. Nous savons aussi que l’Éducation nationale ne saurait être un bouc émissaire. Nous ne sommes pas tous égaux dès notre entrée dans le système éducatif et a fortiori sur le marché du travail. Cette différenciation se retrouve ensuite lors du parcours professionnel et continue de stigmatiser cette population sans diplôme. Sans tomber dans le déterminisme social, nous savons que des logiques de reproduction sociale sont à l’œuvre. Il convient de ne pas rendre le système de formation professionnelle continue responsable des difficultés de l’éducation nationale. Il revient à l’État d’assurer la meilleure formation initiale possible des jeunes qui sont scolarisés.

Il ne nous appartient pas non plus de stigmatiser notre système éducatif quand on connaît le dévouement de l’ensemble du corps professoral à instruire les enfants pendant leur scolarisation, mais nous devons rappeler que chacun des acteurs agit dans sa sphère de compétence et de légitimité.

Pour autant, si le système de formation professionnelle continue ne peut se substituer aux responsabilités de l’Etat, il doit apporter des réponses concrètes à ces jeunes sans qualification lorsqu’ils sont dans l’emploi, en termes de perspectives de carrière et d’évolution dans l’emploi par la qualification.

Le couple sécurité emploi-formation : une solution au chômage ?

L’UD-FO ne partage pas l’idée largement répandue selon laquelle, les salariés sont tous rentrés dans l’ère de l’incertitude et du risque. Cette idée tend à considérer que les salariés sont tous instables et qu’ils doivent s’adapter continuellement aux nouvelles formes de travail, qu’il y aurait un transfert du risque de l’entreprise vers le salarié. Face à cette conception du rapport salarial nous pointons plusieurs risques : d’une part, comme nous l’avons dit précédemment, cette conception tend à brouiller la sphère entre formation initiale et formation permanente : si on doit se former tout au long de la vie, pourquoi ne pas restreindre le temps scolaire, donc la responsabilité de l’État ? N’y a-t-il pas en effet un risque de transfert de responsabilités entre l’État et le système de la formation professionnelle continue géré par les partenaires sociaux ?

D’autre part, ne risque-t-on pas, en parlant uniquement de parcours ou de transition professionnelle, de rejeter la formation hors de l’emploi ou de rendre le salarié co-responsable de sa formation ?

Enfin, cette vision du couple emploi-formation tend à reléguer la problématique des politiques macro-économiques favorables à l’emploi (rôle de l’État régalien) au second plan en se focalisant uniquement sur la réforme structurelle du marché du travail, les politiques de l’emploi devenant des succédanés d’une politique économique.

Au contraire, pour Force Ouvrière, l’un des enjeux majeurs des années à venir sera de fidéliser positivement les salariés en s’appropriant la question de la qualité de l’emploi. Ainsi, lorsqu’on évoque la réforme du système de formation professionnelle continue, FO estime que cette question est indissolublement liée aux problématiques de conditions de travail et de rémunération des salariés.

En matière de formation professionnelle : Pas de grand soir !...

L’élaboration d’un système efficace de formation professionnelle est un processus long qui nécessite un délai de mise en œuvre puis d’appropriation par les différents acteurs. Ces dispositifs doivent être dynamiques et sont appelés à s’affiner dans le temps selon les constats faits sur le terrain et l’évolution des besoins. Mais, pour garantir à la fois une visibilité sur leur efficacité et une réelle mobilisation des acteurs à tous les niveaux, ils doivent impérativement être pérennes dans leurs principes de fonctionnement et dans leur évolution.

Il convient de noter qu’après la grande loi de 1971, la montée en charge financière, ainsi que celle des dispositifs, a été particulièrement longue (pas loin de 10 ans). Le temps du politique n’est pas le temps de la négociation et du compromis social.

La réforme de la formation professionnelle continue issue de l’ANI du 05 décembre 2003, a fait l’objet d’une validation législative par la loi du 04 mai 2004. De très nombreux accords de branche puis d’entreprise ont suivi durant les périodes 2005 et 2006. Et depuis la réforme, la montée en charge des dispositifs s’accélèrent.

Pour l’UD-FO, les accords interprofessionnels doivent créer de la dynamique en terme de négociation collective. Concernant un système au cœur de la socialisation par le travail, à la fois enjeu économique pour les entreprises et outil de reconnaissance sociale pour les salariés, il n’est pas surprenant que la montée en charge soit longue. Toute réforme future doit prendre en compte ces limites temporelles au risque de déstabiliser plus encore tous les acteurs du système.

…mais des partenaires sociaux qui ne sont pas figés sur des pré-carrés.

Pour autant, le système de la formation professionnelle continue n’est pas figé et uniquement centré sur les salariés dans l’emploi, puisque déjà l’accord de décembre 2003 s’adressait déjà à « un public non traditionnel » :

  • financement de formation des demandeurs d’emploi et la convention de reclassement personnalisé ;
  • mise en place du CIF-CDD ;
  • contrat de professionnalisation s’adressant aux demandeurs d’emploi.

De même, l’accord national interprofessionnel du 11 janvier 2008 s’intéresse également aux demandeurs d’emploi et aux salariés précaires et a préempté en partie la négociation sur la formation professionnelle :

  • transférabilité du DIF ;
  • obligation faite aux branches de négocier sur l’accès à la formation professionnelle des salariés à temps partiel ;
  • création d’un fonds spécifique pour assurer durablement le financement de dispositifs nécessaires aux personnes les plus éloignées de l’emploi ;
  • création d’un bilan d’étape professionnel pour l’ensemble des salariés ;
  • négociation interprofessionnelle sur la GPEC.

Des pistes de réflexion pour une réforme à venir

L’UD-FO ne s’est jamais inscrite dans une vision statique de la formation professionnelle et ne considère aucunement que l’accord du 05 décembre 2003 est une fin en soi. C’est pourquoi, l’UD-FO ne prône pas le statu quo mais des améliorations dynamiques de notre système de formation professionnelle continue. En ce sens, elle souhaite soumettre quelques pistes de réflexion non exhaustives :

  • déterminer précisément le rôle de chacun des acteurs et le périmètre de leur champ d’intervention ;
  • mettre en place un véritable système d’évaluation locale des dispositifs et des actions initiés par chacun des acteurs de la formation professionnelle ;
  • engager une réflexion sur l’offre de formation ;
  • organiser une véritable synergie d’acteurs pour les publics les plus fragilisés (jeunes en insertion, demandeurs d’emploi) permettant d’éviter le parcours du combattant par la création de pool paritaire au niveau territorial ;
  • améliorer l’accès à l’information sur les dispositifs de la formation professionnelle pour les salariés et les entreprises ;
  • aller progressivement vers une obligation de formation pour l’ensemble des salariés qu’ils travaillent dans une grande entreprise ou dans une TPE ;
  • mieux accompagner les PME/TPE dans leur démarche de formation/qualification pour les salariés ;
  • garantir l’égalité d’accès aux droits à la formation pour l’ensemble des citoyens quelque soit leurs lieux de vie ;
  • préserver une logique de gestion paritaire, respectueuse des responsabilités des uns et des autres et garantissant un système différent de l’étatisation et du marché privé.

Dominique BONADEI

Secrétaire Général